Lire, c’est « entendre » l’écrit avec précision, instantanément, par la voix du langage, et ce langage doit être accessible, bien entendu. Les compétences qu’il s’agit de construire, sont plus que l’écoute d’un graphisme dont la transparence obéit à la vocation visuelle et sonore de l’alphabet.
Du son des lettres, de leur combinaison syllabique, naît le sens. Le décodage, que l’apprentissage doit rendre réflexe, est donc, dans une vraie lecture, constant, inconscient, dit à voix haute ou non, quelle que soit la virtuosité du lecteur. Savoir lire et écrire, c’est suivre de façon naturelle, donc sans effort, le chemin qui parcourt la forme de l’écrit et permet l’accès au sens. Apprendre à lire et écrire, c’est acquérir la maîtrise de cet acte médiateur qui « met en action » lettres et graphèmes selon leurs lois de combinaison, jusqu’à leur automatisation.
Les vingt-six lettres de l’alphabet permettent, en se combinant, de façon à chaque fois différente, de fournir des supports aux dizaines de milliers de mots du français. Si, pour un lecteur confirmé il paraît naturel de lier telle composition orthographique à tel sens, c’est parce qu’on lui a enseigné de façon progressive les clés des relations entre lettres et sons et qu’il les a par une pratique régulière automatisées. En règle générale, les recherches font apparaître que les jeunes adultes en difficulté de lecture ont une capacité d’identification des mots très insuffisante ; sans être la seule cause de l’illettrisme, ce handicap en constitue une des composantes majeures et conduit un nombre important de jeunes adultes illettrés à inventer du sens sur une base très insuffisante d’indices conventionnels. Faute d’une identification des mots précise et complète, la lecture d’un texte est alors souvent approximative sinon aléatoire.
Lors de l’apprentissage de la lecture, il importe donc que l’on veille tout particulièrement à ce que tous les élèves apprennent à identifier les mots avec efficacité ; c’est-à-dire en alliant rapidité et précision. Identifier les mots n’a rien à voir avec un jeu de devinettes : il ne s’agit pas de supputer, de tâtonner, d’interroger le contexte dans lequel se trouve un mot pour identifier celui-ci. L’identité d’un mot n’est jamais de l’ordre du « peut-être » ; on peut se tromper ; on peut réussir; mais dans l’un ou l’autre cas, c’est la maîtrise du code et non l’apport aléatoire du contexte qui conditionne la réussite ou l’échec.
Pour apprendre à lire, il faut absolument être capable d’identifier les indicateurs qui donnent aux mots de la phrase leurs fonctions et leur permettent de créer ensemble une réalité homogène. Lire une phrase, c’est identifier les mots et en même temps reconnaître leurs rôles grammaticaux respectifs. Sans reconnaissance de l’organisation grammaticale d’une phrase, il n’y a pas de construction du sens, il n’y a pas de lecture.
Beaucoup d’enfants, au cours de leur scolarité, sont passés à côté de cette apprentissage de la lecture. Ils sont donc disqualifiés, par la non possession d’une langue qui est un élément nécessaire à leur intégration sociale, pour accéder au statut d’individu reconnu et identifié comme membre d’un ensemble humain dont il partagerait le même référent linguistique. Ainsi, leur adhésion intellectuelle au travail préparatoire à un avenir commun est fortement compromise,voir impossible.
C’est une priorité de réintroduire les élèves des écoles dans la dynamique d’un langage commun, afin qu’ils ne soient pas du nombre de ceux, qui se sentent exclus du partage de la connaissance d’un monde qu’ils ressentent de fait comme hostile. Défendre l’enseignement du Français a pour principal objectif de réactiver le désir d’apprendre, et au-delà le plaisir de comprendre et de cheminer par la belle langue sur les routes qui mènent à l’autre.